Née en Afrique centrale, au nord du Cameroun, l’entrepreneure Aminatou Ali Taiga apporte la richesse de la nature africaine au Québec pour offrir des produits cosmétiques naturels à base de Moringa. Les soins proposés sont inspirés de ses traditions familiales. À travers cette entrevue, elle partage son parcours ainsi que plusieurs conseils tirés de sa réalité, après avoir complété la Mesure Soutien au Travail Autonome au SAJE. Étant dans un domaine compétitif, elle démystifie également trois mythes populaires qui ne l’ont pas empêché d’aller de l’avant avec Djebess.
Quelle est la mission de votre entreprise ?
« Djebess offre des produits 100 % naturels et biologiques à base d’huile de Moringa, une plante originaire du Cameroun, pour faire découvrir cette richesse qu’on ne retrouve pas ici. »
Quel a été l’élément qui vous a donné envie de démarrer ?
Je me rappelle que toute mon enfance, dans ma famille, on se servait de cette plante pour soigner des petits bobos sur le corps autant que pour la cuisine. Les feuilles, les racines, les graines et l’huile sont très riches et comestibles.
Ici, je n’avais pas retrouvé le produit à son état pur. De plus en plus, on commence à en trouver. Le Moringa devient populaire au Canada, surtout dans la province de Vancouver, mais au Québec, il n’en avait pas. Moi-même, je n’utilisais pas seulement des produits naturels, mais à la naissance de ma fille, elle avait beaucoup d’eczéma et la peau sèche. Vers 3 mois, on utilisait déjà la cortisone. À un moment, on s’est dit « non, ça ne va pas » ! J’ai repensé au fait que chez moi [au Cameroun] ma mère elle n’avait pas de cortisone. Alors, comment faisait-elle si elle n’avait pas tout ça ? J’ai donc voulu retourner à la source. J’ai compris que ces crèmes étaient peut-être toxiques pour un bébé. Parfois, on se remet en question et puis on se souvient que oui ça marche, la recette de nos mamans et grands-mamans ! Si ça fonctionne, alors pourquoi ne transfèrerions-nous pas ça ici ? On peut faire tellement de bonnes choses en prenant la richesse d’ailleurs et l’ajouter à ce qu’on retrouve [au Québec].
Quel a été votre parcours avant de vous lancer en affaires ?
J’ai une formation en communication et marketing. Je travaille d’ailleurs encore [dans ce domaine]. J’ai aussi grandi dans un milieu d’entrepreneuriat. Ma mère et mon père étaient entrepreneurs. Ma mère, elle vend des blocs de glace pour les poissonniers et les commerçants au Cameroun. Mon père est décédé, mais il a été entrepreneur toute sa vie. Il a un hôtel au Cameroun, il a toujours fait dans l’immobilier et dans le transport. Ses sociétés sont encore là. Alors, j’ai grandi en voulant devenir entrepreneur. Mon père m’a toujours dit : « le soleil brille pour tout le monde ». Donc même en travaillant dans mon domaine, j’ai toujours fait mes petites affaires à côté.
Qu’est-ce que le SAJE vous a apporté ?
Quand je me suis dit « allez, il faut que je lance ma marque Djebess », je suis allée faire une formation en cosmétiques pour bien faire les choses. Quand j’ai commencé, je venais de perdre mon emploi en 2020, alors c’était le bon moment et je me suis inscrite au SAJE à la Mesure Soutien au Travail Autonome. Toute la partie financière est très importante. Avoir un coussin avec un revenu, ça permet de se concentrer sur ce qu’on fait et ça déjà, c’est beaucoup. En plus de ça, il y a tout le soutien humain professionnel ; les gens avec qui l’on peut parler possèdent l’expertise dans plusieurs domaines donc si nous avons des questions ils pourront y répondre ou aller chercher la réponse pour nous auprès du réseau. C’est un ensemble de tout !
Comment avez-vous vécu les mois qui ont suivi la fin de l’accompagnement technique et financier de la Mesure STA ?
Après la pandémie, en 2021, j’ai repris mon travail et conservé Djebess à temps partiel. Cependant, c’est important de mentionner que maintenant je travaille avec une amie qui a une agence de marketing (GJ Consulting). Elle et son équipe s’occupent de tout ce qui est réseaux sociaux et marketing. Moi, je m’occupe de la production, du service à la clientèle et de la livraison. On a aussi automatisé l’entreprise avec un système qui me permet de travailler à côté. C’était important pour moi de déléguer certaines expertises, même si moi-même, je travaille en marketing. Je ne pouvais pas tout faire. Il y a aussi le fait que je suis tellement passionnée que lorsque j’explique mes produits, parfois je me perds. Alors j’ai besoin d’autres personnes qui ont cette expertise, pour pouvoir comprendre toute la passion que j’ai et mieux la communiquer. C’est bien aussi que je possède l’expérience en marketing et communication parce que je comprends leur travail. Donc, on en parle et j’apporte moi aussi mes points. Mais elle, elle a la capacité de sortir de tout ça et d’aller le projeter à l’extérieur. C’est mon produit, j’ai une manière de voir les choses et j’ai besoin d’un œil externe dans l’entreprise pour grandir. On a besoin que d’autres personnes apportent leur écoute. Alors c’est ce que j’ai fait.
Quels sont les mythes communs entendus lorsqu’on démarre une entreprise dans un secteur aussi développé que les cosmétiques ?
Mythe nº 1 : C’est un milieu saturé.
La réalité selon l’entrepreneure Aminatou :
En apportant quelque chose de nouveau, il y a encore de la place. Pour ma part, c’est un ingrédient, une manière de faire, ma culture et l’expertise de ce que j’ai appris en grandissant qui sont rattachés à ma marque. Mon histoire je l’apporte dans Djebess avec ma personnalité et mon vécu. Les gens cherchent toujours puisque ce n’est pas toutes les crèmes qui fonctionnent pour tout le monde et tous les types de peau. La peau est tellement différente d’une personne à l’autre que la demande est encore là pour les produits naturels.
Mythe nº 2 : C’est impossible pour une petite entreprise artisanale de se positionner pour arriver à se battre avec les grosses marques.
La réalité selon l’entrepreneure Aminatou :
C’est possible puisque les marques artisanales apportent la personnalisation et une relation avec les clients que les grandes marques n’ont pas. On a cette approche différente.
Mythe nº 3 : La durée de vie des produits naturels est plus courte.
La réalité selon l’entrepreneure Aminatou :
On utilise des conservateurs naturels comme le sorbate de potassium, ou des huiles essentielles qui peuvent prolonger la vie d’un produit. Djebess a aussi des bouteilles recyclables à pompes ; ça évite que les clients mettent leurs doigts et ajoutent des bactéries. La date de péremption va jusqu’à 1 an ! Ce n’est pas un problème.
Qu’aimeriez-vous ajouter pour conclure ?
On peut toujours réussir à partir en entrepreneuriat. C’est vrai ! Par contre qu’il faut être bien préparé et même financièrement puisque les premières années peuvent être plus difficiles. C’est important d’être bien entouré et d’être convaincue par la mission et ce que l’on apporte. Ça nous permet de continuer. Sinon, on peut vouloir lâcher facilement. Même si ça peut prendre du temps, la mèche prend à un moment et ça réussit.
…
Nous remercions Aminatou Ali Taiga, fondatrice de Djebess pour cette entrevue. L’équipe du Saje lui souhaite beaucoup de succès dans cette aventure entrepreneuriale.